L’élaboration du Champagne

Le Champagne ne peut être élaboré qu'en Champagne, les vendanges se font aux environs de la mi-septembre, 100 jours après l'apparition des fleurs de vignes, mais les conditions atmosphériques peuvent cependant contribuer à avancer ou à retarder cette date. Les vendanges s'effectuent rapidement en prenant bien soin de ne pas abîmer les raisins, et s'entourent d'un luxe de précautions propres au Champagne. La cueillette s'effectue uniquement à la main, afin que tout soit mis en œuvre pour recueillir les baies intactes et éviter les meurtrissures qui auraient pour effet de colorer et d'oxyder le jus par la peau.

Grappe par grappe les raisins sont examinés, les grains verts ou abîmés éliminés; Autre détail révélateur la récolte n'est pas élue en totalité, selon l'état de la vendange, un rendement maximum à l'hectare est fixé au delà duquel les raisins n'auront pas droit à l'appellation "Champagne". Là encore il s'agit d'éviter que la

recherche de l'abondance menace la qualité... En Champagne on fait du vin blanc avec, en majorité, des raisins noirs, ce qui est interdit dans toutes les autres appellations contrôlées en France.

Si le Chardonnay est bien un cépage blanc, le Pinot noir ou meunier sont des cépages noirs, c'est à dire que les raisins ont la peau bleu-noir. Les pigments (matière colorante) sont contenus dans la peau du raisin, accrochés à la face interne. Mais le jus contenu dans ses grains est incolore ou presque, quelle que soit la couleur de la peau. Les pigments sont très solubles dans l'alcool mais peu soluble dans l'eau. Le jeu, pour obtenir des vins blancs à partir de raisins noirs va donc consister à apporter aux pressoirs (larges et bas) des raisins aussi intacts que possible (les machines à vendanger ne sont pas autorisées) pour les écraser vite, sans que la peau ne macère dans le jus, sans que les pigments de la peau n'aient le temps de colorer le jus. Le pressurage s'effectue dans les deux heures après la vendange, transportés avec respect dû à leur fragilité. Quatre mille kilogrammes de raisin doivent donner deux mille six cent soixante six litres de jus de raisin (appelé aussi moût), dont dix pièces de "cuvée" de 205 litres chacune et trois pièces de première et deuxième "tailles". Au delà le jus obtenu est écarté et n'a pas droit à l'appellation.

Immédiatement après le pressurage, le moût passe dans des cuves de "débourbage", ou, pendant dix à douze heures, il se décante, déposant l'essentiel de ses impuretés, puis logé dans des cuves inox ou voir même ciment (beaucoup moins chères à l'achat ainsi qu'à l'entretien) ou voire pour les plus prestigieuses cuvées des fûts de chêne. Chaque lot est identifié selon sa provenance, son cépage, et isolé des autres, dans la cuverie où il va fermenter, à une température d'environ 10°C jusqu'a constitution de l'Assemblage. Cette première fermentation alcoolique n'est pas différente de ce qu'elle est dans les autres régions productrices des grands vins blancs. Le jus de raisin est constitué, pour l'essentiel, d'eau, de sucre et de levures.

Les levures vont "manger" le sucre et le transformer en alcool.

Selon les années, on peut être conduit à ajouter du sucre (dans les proportions réglementées par la loi) et des levures. Après cette fermentation dite malolactique, c'est une dégradation d'acides essentiellement de l'acide malique (plus ou moins stable), en acide lactique (stable). Si cette fermentation se faisait en bouteilles, le vin risquerait de devenir vinaigre. Cependant quelques maisons ne font pas faire à leurs vins cette seconde fermentation pour conserver une acidité plus grande. Il faut alors stabiliser le vin par divers moyens (anhydride sulfureux, passage au froid, pour tuer les bactéries restantes, ou centrifugation). Plus qu'un simple phénomène biologique naturel de désacidification des vins, la fermentation malolactique est un élément réel et déterminent du style propre à chaque maison; Elle confère au vin souplesse et rondeur. Elle accroît sa complexité. Cépages, provenances, qualités sont à ce stade toujours isolés. Le chef de maison et le chef de cave, entourés de leur équipe de dégustateurs vont réaliser un exploit : additionner les qualités et en même temps soustraire les défauts de ces différents vins en les assemblant. Le tout dans une vision prospective puisque le vin n'a toujours pas subi sa troisième fermentation qui va le rendre effervescent. C'est un art tout en finesse, dont chaque chef de cave garde le secret. Si la récolte est remarquable, l'assemblage ne comporte que des vins de cette année pour donner un Champagne millésime.

A la fin de l'hiver, le vin tranquille est collé et filtré (on l'appelle vin "clair") puis tiré en bouteilles où on lui ajoute une liqueur, cette opération s'appelle le tirage. La liqueur de tirage est faite de sucre dissout dans un vin (en général vieux) et de levures. Comme dans n'importe quelle fermentation alcoolique, les levures mangent le sucre, produisent de l'alcool et du gaz carbonique. Dans la bouteille soigneusement bouchée, la pression va monter à 5 voire 6 atmosphères. Cette production de gaz carbonique s'appelle logiquement la "prise de mousse". Les bouteilles sont mises sur lattes de bois, sur des kilomètres de long dans le calme et la fraîcheur des immenses caves Champenoises.

Cette fermentation sur lattes est très longue : de 3 à 9 mois. Mais lorsqu'elle est terminée, les bouteilles peuvent rester ainsi très longtemps. Près d'un an au minimum pour les "sans années" (neuf mois exactement après la mise en bouteille) et trois ans au minimum pour les bouteilles millésimées. En fait, la plupart des maisons augmentent très largement ce délai légal car les différents échanges qui se produisent pendant cette période sont très importants pour la qualité du vin.

Les levures qui ont assuré la transformation du sucre en alcool sont mortes, leurs cadavres sont très visibles à l'œil nu, ils forment un important dépôt sur la paroi de la bouteille. Il faut l'éliminer. Les bouteilles sont alors placées sur des pupitres, sortes de planches percées de trous. Chaque jour pendant 15 à 20 jours, le "remueur" leur donnera un léger mouvement de rotation en redressant peu à peu la bouteille de façon que le dépôt descende vers le bouchon. Un quart de tour effectué d'un mouvement vif et précis, de façon à détacher le dépôt de la bouteille.

Un remueur appelé aussi maître tourneur manipule 30 à 40 000 bouteilles par jour ! Depuis une vingtaine d'années, on utilise aussi des sortes de cages de fer montées sur des bras articulés qui reproduisent le geste du remueur pour 500 bouteilles à la fois. C'est moins poétique mais la place occupée au sol est moins importante et un programmateur électronique peut travailler 365 jours par an. Il n'y a pas de différence entre les vins issus des deux procédés puisqu'il s'agit d'une opération de clarification purement mécanique. Reste à expulser ces levures mortes descendues dans le goulot (la gorge) de la bouteille. C'est le dégorgement, cette opération est aujourd'hui mécanisée. Les bouteilles passent, cul tourné vers le haut, dans un bain de liquide réfrigérant à -25°.

Seul le goulot trempe dans ce bain de façon qu'un glaçon d'environ deux centimètres de haut emprisonne le dépôt. Il reste à ouvrir, toujours mécaniquement, la bouteille. La pression expulse le dépôt. Il ne reste alors qu'a introduire la liqueur de dosage, aussi appelée liqueur d'expédition, faite d'une dose plus ou moins importante de sucre dilué dans du vin. C'est cette dose qui détermine si le vin est "brut" ou "demi sec". Le Champagne est prêt à recevoir son bouchon définitif, son muselet de fil de fer et son habillage. Quelques mois plus tard, la bouteille est enfin prête à être dégustée.

Voir l'organigramme de son élaboration.

L'ABUS D'ALCOOL EST DANGEREUX POUR LA SANTE, A CONSOMMER AVEC MODERATION